Plantes sauvages comestibles : l’art de la cueillette

Table des matières

Mises à l’honneur même à la table des grands chefs, les plantes sauvages comestibles ont fait un retour triomphal sur la scène. Ainsi de plus en plus d’adeptes veulent s’essayer à la cueillette… Si la pratique offre son lot de bénéfices, elle n’apparaît pas sans risques. Comment pratiquer une cueillette sauvage respectueuse et sans dangers ? Je vous dis tout dans cet article !

Retrouvez le également en intégralité sur le blog DEFI-Écologique. 

 

Un plaisir vertueux…

Qu’il est gratifiant de savourer le fruit de sa propre récolte ! Ceux qui ont déjà eu l’occasion de glaner quelques pissenlits, fleurs d’acacias et fruits des bois le savent bien. C’est là un aspect fondamental qui contribue à la magie de la cueillette sauvage…

Non seulement cette activité nous permet de retrouver pleinement nos racines, par le contact conscient et privilégié qu’elle nous offre avec la Nature, mais elle présente aussi des avantages écologiques et économiques. Les produits bruts de la récolte n’engendrent aucun déchet. Aussi l’on s’y rend généralement à pied, ce qui limite le coût des transports.

Sans compter que les plantes sauvages comestibles présentent de réels atouts pour notre santé. Bien plus riches en minéraux et nutriments que nos plantes cultivées, elles sont de véritables compléments alimentaires ! A titre d’exemple, l’ortie contient six fois plus de vitamine C que les oranges, une part de protéines non négligeable, du fer en quantité, du manganèse, etc. Que de bonnes raisons pour partir avec son panier sans plus attendre ! (Pour plus d’informations, consultez le Guide nutritionnel des plantes sauvages et cultivées)

Tableau nutritionnel des feuilles d’orties © Alix Lefief-Delcourt, ouvrage « L’ortie c’est malin », Editions Leduc.s

 

…à pratiquer avec précautions !

Cependant, la pratique de la cueillette comporte aussi des risques dont il est essentiel d’avoir conscience. Il n’est pas question de récolter n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment !

Pour rappel en mai 2019, un communiqué de presse fût publié par l’Agence Régionale de la Santé Grand-Est, suite à une recrudescence de cas d’intoxication rapportés par le centre antipoison local. Ceux-ci étaient essentiellement dues à une confusion entre l’ail des ours (Allium ursinum) et le colchique (Colchicum autumnale). Une plante toxique, dont l’ingestion peut induire des troubles graves voire mortels.

Malheureusement, diverses plantes sauvages comestibles peuvent ainsi être confondues avec des espèces toxiques (consoude/digitale, carotte sauvage/œnanthe safranée, etc.). Et avec l’engouement actuel du public, les cas d’empoisonnement tendent à augmenter chaque année.

L’ANSES a estimé la fréquence de ces accidents à environ 250 cas/ans, de 2012 à 2018. Ainsi les dangers de la cueillette sauvage ne doivent pas être sous-estimés. Voici en conséquence quelques conseils  pour vous protéger et profiter de votre cueillette en toute sérénité.

 

Commencer en douceur

La cueillette sauvage est affaire de touché… et de découvertes en la matière ! ©Lukas

Rien que dans nos jardins, il s’offre à nous une profusion de trésors aux vertus insoupçonnées.

  • Le plantain, inégalable apaisant des piqûres en tous genres, avec son agréable goût de champignon.
  • Le pissenlit, qui guérit le foie tout en procurant d’excellentes salades.
  • L’ortie savoureuse, reminéralisante, et impossible à confondre avec ses poils urticants !
  • Mais encore, la pâquerette, la mauve, la stellaire, etc.

Toutes ces plantes faciles d’accès sont relativement simples à reconnaître, et connues pour la plupart depuis l’enfance. Tournez-vous donc vers elles ! Ne cherchez pas la complexité pour vous lancer dans la cueillette, surtout si vous n’avez aucune notion en botanique.

Apprenez à vous familiariser avec ces vieilles amies en usant de tous vos sens. Observez-les et notez la forme de leurs feuilles, touchez-les pour découvrir leur texture, décrivez leur odeur. Cet exercice vous sera utile pour progresser et prendre confiance en vous. Vous apprendrez ainsi à porter attention aux petits détails, qui font parfois toute la différence ! (ex : les feuilles de consoude sont rêches, contrairement à celles de la digitale, très toxique).

Sachez également qu’il est plus aisé de reconnaître les plantes lorsqu’elles sont en fleurs. Tout simplement parce que les fleurs sont des organes relativement stables. Contrairement aux feuilles qui diffèrent parfois selon les conditions environnementales ou le stade de développement. Soyez patients et réguliers : l’expérience s’acquiert sur le long terme avec de la pratique.

Formez-vous !

De nombreux stages et ateliers de découverte des plantes sauvages comestibles sont proposés par des professionnels – © médiathèque de Courrière

N’hésitez pas à vous faire accompagner pour vous former à la reconnaissance et à l’usage des plantes sauvages.

De nombreux professionnels et écoles compétents vous proposent des stages ou même des cursus spécialisés sur plusieurs années. Citons le CPE (Collège Pratique d’Ethnobotanique), présidé par François Couplan, ou encore l’école lyonnaise des plantes médicinales et des savoirs naturels.

Je vous propose également des ateliers et stages à propos de la cueillette de plantes sauvages !

 

Règles de sécurité

Lors de votre cueillette, vous devrez toujours veiller à appliquer quelques principes de base pour vous éviter des ennuis. Certains semblent relever de l’évidence, mais il est toujours bon de se les rappeler, jusqu’à ce qu’ils deviennent des automatismes.

Vous devez entre autres :

  • Surveiller le lieu de votre cueillette. En évitant bien sûr les bords de route ou les champs traités. Pensez également à demander l’accord du propriétaire si vous êtes sur une propriété privée.
  • Récolter uniquement les parties vertes des végétaux. Évitez ceux qui vous paraissent trop vieux ou trop abîmés.
  • Ne pas cueillir les plantes ou les fruits sauvages qui se trouvent trop près du sol. Et surtout, respecter des règles d’hygiène pour tenir compte des zoonoses, en triant et en lavant votre récolte avant usage.
  • Ne cueillir que les plantes dont vous êtes certain de l’identification.
  • Et enfin, apprendre à reconnaître les principales plantes toxiques. Notre flore, comprend très peu de plantes capables de causer une intoxication grave par ingestion de petites quantités. Prendre connaissance de celles-ci à l’aide d’un ouvrage dédié vous aidera à mieux appréhender et éviter les dangers. Consulter : Le dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, de Paul-Victor Fournier, ou mon Petit guide des plantes toxiques, pour une première approche.

Maladies et parasites

Les principaux risques infectieux ne sont pas seulement liés à l’échinococcose (parasite transmis via les excréments de renards et animaux domestiques). Ils concernent surtout les plantes aquatiques, tel le cresson de fontaine (Nasturtium officinale).

Celles-ci peuvent être contaminées par la douve du foie (parasite véhiculé par les ruminants). Mais aussi par des bactéries responsables de la leptospirose, contenues dans l’urine des rongeurs.

En cas de doute, n’en faites surtout pas de consommation crue. De manière générale, réservez ces plantes à la cuisson, qui elle seule garantie l’élimination des pathogènes. Pensez à vous laver les mains, et à nettoyer scrupuleusement tout matériel ayant servi à la cueillette.

Enfin, n’oubliez pas de vous prémunir contre les tiques durant les périodes à risques.

 

Et règles de respect

Un beau champ de Gentiane qui donne envie de rester sur le chemin pour les laisser en paix – ©DEFI-Écologique

Si les plantes sauvages constituent une incroyable richesse, dont il serait dommage de se passer, il ne faut toutefois pas les considérer comme une ressource inépuisable à notre entière disposition.

En outre, la cueillette doit être effectuée avec un minimum de conscience et de respect :

  • Veillez à ne pas cueillir de plante rare ou protégée. Des listes rouges sont généralement disponibles sur le site des conservatoires botanique de la région ou même du département qui vous concerne. Dans les milieux montagnards en particulier, la cueillette de plantes telles que la gentiane jaune (Gentiana lutea) ou les génépis (Artemisia sp.), est souvent réglementée, voire interdite. Il en de même dans les forêts domaniales gérées par l’ONF (Office National des Forêts) où « les cueillettes à caractère familial, en petites quantités, sont tolérées sauf pour les espèces protégées bénéficiant d’un statut de protection qu’il est interdit de toucher ».
  • Cueillez délicatement les plantes pour ne pas les abîmer.
  • Evitez les réserves et les parcs naturels ou la cueillette est généralement interdite.
  • Ne ramassez que les plantes que vous trouvez en suffisance et laissez celles qui vous semblent isolées, surtout lorsqu’il s’agit de récolter des racines. En cas de doute quant à la disponibilité de la plante et la taille de la « colonie », ne cueillez pas au risque de la voir disparaître des lieux.
  • Cantonnez-vous aux quantités dont vous avez besoin, et ne prélevez qu’un tiers de la plante au maximum : il ne s’agit pas de piller mais de partager avec nos congénères non-humains qui ont besoin de ces ressources. Sachez que les « colonies » de plantes ont besoin d’être vigoureuses pour se multiplier et non régresser années après années.

Une charte règlementaire pour les cueilleurs

Pour vous aiguiller dans votre pratique, vous pouvez prendre exemple sur la charte rédigée par l’AFC (Association Française des professionnels de la Cueillette de plantes sauvages, née en 2011).

Vous trouverez également sur leur site internet des informations complémentaires sur la législation en vigueur concernant la cueillette, notamment le guide règlementaire des plantes protégées de France métropolitaine.

 

La cueillette sauvage, dangereuse pour l’environnement ?

La Salicaire est une plantes sauvage comestible et médicinale poussant en milieu humide, la cueillir sans causer de dégât n’est pas à la portée de tous – ©Harless Todd, USFWS

Certains se demandent si l’engouement du public pour la cueillette de plantes sauvages comestibles, ne serait pas susceptible de nuire à l’environnement, en portant atteinte à la biodiversité ? Voilà un débat épineux auquel il semble, pour l’heure, impossible de répondre de manière exhaustive, tant la chose apparaît circonstancielle. S’il est vrai que par le passé la cueillette intempestive a contribué au déclin de diverses espèces végétales, les cas concernaient surtout des plantes déjà rares à l’état naturel, dont le pillage n’était généralement pas motivé par un usage alimentaire, mais plutôt par la contrebande pour la revente au marché noir.

En outre la cueillette familiale (pratiquée avec respect), est rarement un facteur principal d’érosion de la biodiversité. Je pense au contraire que dans ce cadre, la cueillette sauvage offre une belle occasion de prendre conscience de l’incroyable richesse du monde qui nous entoure, et peut inciter naturellement le cueilleur à prendre soin de ce patrimoine inestimable. Simplement parce que nous n’avons pas envie de voir disparaitre ces magnifiques plantes, pleines de saveurs et de vertus.

La méfiance semble de mise en fonction du lieu de prélèvement, notamment dans certains contextes où les milieux naturels sont de moins en moins présents tant en nombre qu’en surface, ainsi que dans divers types d’habitats naturels plus sensibles que d’autres (milieux humides, certains massifs montagnards, etc.). En effet dans ces zones fragiles, la cueillette fréquente et cumulative peut avoir un impact négatif. Notamment si elle est effectuée à une mauvaise période et par de nombreuses personnes en même temps. La plus grande réserve s’applique également aux végétaux dont on utilise les racines comme la raiponce en épi (Phyteuma spicatum), ou la gentiane jaune (Gentiana lutea), dont il faut restreindre (voire éviter) la consommation, ou à défaut, se rabattre lorsque cela est possible sur des homologues cultivés.

Un moindre risque pour les plantes sauvages « communes »

Cependant, le jour où la consommation des plantes les plus communes et abondantes (telles que l’ortie, le pissenlit ou la pâquerette), par quelques riverains et promeneurs deviendra sujet à inquiétude n’est pas encore à craindre. Et si nous en arrivons à avoir peur de perdre la principale ressource (normalement foisonnante) de la planète et de l’humanité que constituent ces végétaux, c’est qu’il est temps de revoir nos habitudes en matière de politique environnementale.

En revanche, on peut s’affoler lorsque la cueillette est chapeautée par les industriels agroalimentaires et pharmaceutiques. Cela engendre régulièrement des débordements abusifs. Ceci est le cas de l’ail des ours (Allium ursinum), dans de nombreux pays de l’Est. De nombreux exemples sont cités dans un intéressant article publié en juin 2014 par l’AFP (Agence France Presse). Afin de mesurer l’impact de ces pratiques sur l’environnement, le CBN (Conservatoire Botanique National) des Pyrénées et Midi-Pyrénées a mené une enquête ethnographique auprès de professionnels de la cueillette.

 

Pour conclure

Ludique, pratique, pourvoyeuse et garante de valeurs simples et authentiques, la cueillette sauvage mérite à être pérennisée par les générations futures. Sans oublier que sa pratique demande réflexion et conscience, aussi bien sanitaire qu’écologique.

Partager cet article

Autres articles

Profitez du blog pour découvrir de multiples informations sur les plantes sauvages comestibles et médicinales, les insectes, le jardin, la santé naturelle… et des recettes !