Aujourd’hui, nous n’avons plus rien le droit de faire !
Il faut rouler électrique pour sauver la planète, il faut trier, composter, faire attention à tout, etc.
Bref, compenser toujours pour les plus gros pollueurs de la planète… Et maintenant, à en croire certains, il faudrait aussi arrêter la cueillette sauvage, pour préserver l’environnement ?
La cueillette, ce geste vieux comme le monde, devient suspect.
On accuse les petites mains, les promeneurs, les cueilleuses du dimanche…
Mais posons-nous la vraie question : qui met vraiment les plantes en danger ?
Ce n’est pas mamie qui coupe trois feuilles d’ortie pour sa soupe. Ce ne sont pas les passionné·es de nature qui, d’après ce que je constate dans mon métier, cueillent le plus souvent avec respect et conscience et veulent faire attention…
Non ! Ce sont les industries pharmaceutiques, agroalimentaires, cosmétiques qui, en cherchant à extraire toujours plus pour vendre plus, participent à la surexploitation des plantes sauvages, proposant un marché bien loin des valeurs attendues par les consommateurs de produits « naturels ».
Et il est également important d’avoir conscience de cette réalité pour se poser les bonnes questions et surtout, faire les bons choix avant de consommer des produits à base de plantes…
Quand la cueillette sauvage devient pillage
De l’arome (naturel) de citron dans vos biscuits à l’huile essentielle de girofle dans votre dentifrice, toutes ces plantes présentes partout dans notre quotidien proviennent essentiellement de cueillettes sauvages.
À l’échelle mondiale, la demande en plantes médicinales et aromatiques a triplé entre 1999 et 2015, avec une proportion allant de 60 à 90% d’entre elles collectées à l’état sauvage !
Et la demande n’en est que toujours plus forte, avec pour conséquence, l’organisation de véritables « pillages » dans certains milieux naturels par des cueilleurs étrangers exploités également, pour satisfaire les besoins des laboratoires et autres industriels…
Pour vous donner quelques exemples concrets, voici les cas de plantes médicinales emblématiques aujourd’hui menacées. Non pas par les particuliers, mais par une demande industrielle massive, souvent mondialisée !
1- L’arnica des montagnes (Arnica montana)
Très utilisée en phytothérapie et cosmétique, l’arnica est en déclin en France, notamment dans les Vosges et le Massif Central. L’Association Française des professionnels de la cueillette sauvage (AFC) a lancé un communiqué de presse en mars 2022 pour alerter sur la pression croissante sur la ressource sauvage en France, soulignant le risque d’extinction si aucune régulation n’est mise en place.
Ce même communiqué insiste sur l’urgence d’une meilleure gestion à l’échelle nationale et d’une prise en compte des volumes prélevés dans le cadre des filières commerciales.
2- L’ail des ours (Allium ursinum)
Tendance food oblige, l’ail des ours se retrouve dans tous les bocaux de pesto des grandes marques et aux menus des restaurants. Encore une fois cette demande croissante invite à des pillages de sites, qui commencent à avoir lieu également chez nous en métropole. Au Royaume-Uni, la cueillette intensive dans certains milieux naturels pour alimenter les restaurants tendance met en péril ces écosystèmes fragiles.
3- L’harpagophytum (Harpagophytum procumbens)
Plante phare des douleurs ostéo-articulaires, l’harpagophytum est massivement cueillie à l’état sauvage, notamment en Namibie où elle abonde. La demande mondiale, passant de 700 tonnes à plus de 1 000 tonnes en quelques années, a conduit le gouvernement namibien à instaurer des quotas d’exportation et une charte pour garantir la durabilité de la ressource. Ce cadre réglementaire fait suite à des alertes émises dès 2003 dans le cadre de la CITES sur la pérennité de l’espèce.
Préservons nos droits et notre lien en cueillant (avec respect)
La nature n’a pas besoin d’être « gérée », elle a besoin d’être respectée !
La régénération, l’adaptation, c’est le propre de la nature. Quand on cueille bien, la plante repousse. Quand on prend soin du vivant, il nous le rend. C’est ça, la cueillette consciente : une relation, pas une prédation.
Tous les herbivores de cette planète se nourrissent de plantes sauvages et ils sont des milliards.
Faudrait-il les accuser également de « surexploiter la ressource » … ?
Cela vous paraît probablement insensé, et il en est de même pour l’homme, qui est un animal comme les autres qui a aussi le droit de vivre, et de cueillir tant qu’il fait les choses sérieusement et en conscience.
Ce qu’il faut préserver, c’est aussi le lien !
Notre lien à la terre, au sauvage, à la liberté de se nourrir et de se soigner pour nous-même, ce qui fera toujours moins de mal à mon sens : un baume de plantain maison aura toujours moins d’impact qu’un baume issu de l’industrie pharmaceutique.
Alors oui, cueillons avec respect, car la cueillette sauvage c’est aussi un acte de résistance !
Oui, dans ce monde qui nous fait croire que nous avons toujours besoin de dépendre de l’extérieur et de l’industrie, cueillir c’est résister !
Résister à la dépossession.
Résister à la déconnexion.
Résister à l’idée que le vivant ne serait là que pour nourrir des marchés…
Sur ces dernières belles paroles, je serai ravie de connaître vos opinions en commentaire.
A bientôt pour de belles découvertes végétales !
N.B : comme nous avons parlé « respect » tout au long de cet article, on en profite ici pour faire un rappel des règles de respect indispensables durant la cueillette :
- On ne cueille pas des sacs entiers, seulement ce dont on a besoin à l’instant T.
- On étale sa cueillette pour ne pas piller un milieu et si la plante convoitée se trouve isolée,
on ne cueille pas ! - On prélève sans blesser les organes (nécessite les connaissances appropriées pour chaque plante).
- On ne cueille pas plus 1/3 voire 1/5 d’une même plante pour les organes sensibles (fleurs, fruits et bourgeons)
- Dans la majorité des cas, on s’abstient carrément de récolter les racines.
- On ne cueille pas de plantes protégées, rares ou menacées et on respecte les quotas mis en place par les autorités.
- Enfin, on ne cueille pas dans les milieux naturels protégés, et on fait encore plus attention dans les milieux sensibles (ex : montagnes, milieux humides, etc.)
Plus d’infos sur les bienfaits de la cueillette et les règles primordiales dans cet article.